De l’importance d’observer correctement les délais dans le cadre desquels le code général des impôts subordonne le bénéfice de certains régimes fiscaux
03 octobre 2024Dans le cadre des actualités fiscales animées par notre cabinet, nous attirons régulièrement l’attention des participants sur l’importance d’apprécier strictement les délais fiscaux qui doivent être observés pour bénéficier de certains régimes fiscaux. En effet les décisions récentes ci-après nous rappellent à nouveau que les délais fiscaux sont appréciés strictement par l’administration et qu’une erreur en la matière peut coûter cher au contribuable … et à son conseil.
Lors de la réalisation d’une opération dite « d’apport-cession », l’article 150-0 D ter du CGI dispose que les plus-values d’apport de titres à des sociétés contrôlées par l’apporteur, réalisées, depuis le 14 novembre 2012, directement ou par personne interposée sont placées en report d’imposition.
Contrairement, au mécanisme du sursis d’imposition, le contribuable doit déclarer à l’administration fiscale la plus-value latente afférente à l’apport de ses titres. La plus-value ainsi placée en report d’imposition de plein droit sera effectivement imposée qu’au titre de l’année au cours de laquelle interviendra un des événements mettant fin au report.
Dans la situation la plus fréquente le report d’imposition prend fin, lors de la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport, ou des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés.
Le texte légal prévoit toutefois que constitue également un événement mettant fin au report, la cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres apportés à la société bénéficiaire dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf si cette société s’engage à réinvestir au moins 60 % le produit de la cession dans une activité économique dans les conditions précisées par la loi.
Dans un jugement rendu le 15 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble (TA Grenoble 15 mars 2024, n° 2101141) illustre la rigueur avec laquelle l’effectivité, ou non du réinvestissement est appréciée par l’administration fiscale et le juge de l’impôt.
En l’espèce, un contribuable a apporté le 10 septembre 2013 des parts sociales qu’il détenait dans une SARL à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qu’il contrôlait. Il a donc déclaré une plus-value d’apport afférente aux parts sociales apportée dans la déclaration de ses revenus afférents à l’année 2013.
Le 30 septembre 2014, la société bénéficiaire de l’apport a revendu les parts sociales apportées par le contribuable.
Par une proposition de rectification du 23 mai 2017, l’administration fiscale informé le contribuable qu’en absence de réinvestissement réalisé par la société cédante dans le délai de deux ans décomptés à compter de la date de cession, soit à compter du 30 septembre 2014, la plus-value d’apport déclarée au titre de l’année 2013 devenait donc imposable.
En défense, le contribuable a fait valoir que 29 septembre 2014 la société cédante avait acquis des titres de participation dans une autre société pour un montant excédant largement 60% du prix de cession des parts sociales cédées … le lendemain.
Le tribunal administratif de Grenoble confirme l’imposition de la plus-value d’apport en jugeant que l’obligation de réinvestissement naît à compter de la cession des titres apportés et, qu’en conséquence, l’acquisition des titres de participation intervenue à une date antérieure, et même la veille, le 29 septembre 2014, ne peut être considéré comme un réinvestissement au sens du texte précité.
La Cour Administrative d’Appel de Lyon (CAA Lyon 4 avril 2024, n°23LY00111) a rendu une décision qui illustre l’importance de veiller au respect des délais impartis par le CGI en matière d’exonération de plus-value professionnelle. En effet, par application de l’article 151 septies A du CGI, les plus-values professionnelles réalisées dans le cadre d’une entreprise individuelle ou d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés peuvent être exonérées d’impôt sur le revenu ou du taux de 12,8 %, notamment si le cédant fait valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivantes ou précédant la cession.
La date à laquelle le cédant est admis à faire valoir ses droits à la retraite s’entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu’il a acquis dans le régime de base d’assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de son activité.
Pour les professions libérales, cette date est fixée au premier jour du trimestre civil qui suit la demande de l’intéressé.
Dans cette affaire, un notaire avait, dans le cadre de son départ en retraite, cédé les parts sociales qu’il détenait dans une SCP le 18 mars 2014.
Or, il avait déposé sa demande de liquidation de ses droits à pension le 5 février 2016. L’entrée en jouissance de ses droits était ainsi intervenue le 1er avril 2016 ; Soit plus de deux ans après la date de cession de ses parts sociales.
La CAA de Lyon décide en conséquence que la plus-value réalisée de cession de parts sociales ne pouvait bénéficier des dispositions de l’article 151 septies A du CGI dans la mesure où le délai de 24 mois avait été dépassé.
Ces décisions illustrent l’importance qui doit être accordé au respect des délais auxquels le CGI subordonne l’octroi de certaines exonérations fiscales ou de report fiscaux. Elles démontrent également que leur respect est strictement contrôlé par l’administration fiscale.
Les formations organisées par notre cabinet ont donc pour finalité de rappeler l’existence de ces délais aux praticiens.
D’autre part, dans le cadre de nos missions de conseils nous accompagnons régulièrement nos clients, et leurs conseils, dans la réalisation et le suivi de tels opérations afin d’éviter telles déconvenues fiscales.