« L'IMPORTANT DANS LE DIVORCE, C'EST CE QUI LE SUIT » CONSÉQUENCES FISCALES D’UN DIVORCE

Publié le 17/10/2020

Comme l’écrivait Hervé Bazin dans son roman Madame Ex, « L'important dans le divorce, c'est ce qui le suit ». En plus de provoquer de multiples changements familiaux et patrimoniaux, le divorce entraine également d’importantes conséquences fiscales qu’il convient de rappeler :

Imposition des revenus, pensions alimentaire, prestation compensatoire, vente de la résidence principale, détermination du quotient familial…

Cette situation nouvelle entraine de nombreuses interrogations parfois complexes, des traquenards à éviter ou des optimisations à réaliser : il apparait judicieux de se faire accompagner par un avocat fiscaliste pour mieux les appréhender.


Imposition distincte

La première conséquence fiscale du divorce est celle de l’imposition distincte. L’année du divorce, tout se passe comme s’ils étaient redevenus célibataires au 1er janvier de l’année d’imposition. En cas de divorce contentieux, le point de départ de cette imposition distincte est la date à laquelle les époux ont été autorisés par le juge à avoir des résidences séparées.

Attention ! Cette règle est impérative. Deux cas de figure sont possibles : Tant qu’ils ne sont pas autorisés, ils doivent établir une déclaration commune. Et l’autorisation du juge peut prendre du temps ! Si les anciens conjoints continuent à vivre ensemble, ils devront tout de même établir deux déclarations de revenus.

Le coin du fiscaliste :

Face au délai pour être autorisés, si les époux sont mariés en séparation de biens et ne vivent plus sous le même toit, ils peuvent de fait et sous conditions tirer les conséquences d’une imposition distincte sans avoir été judiciairement autorisés.


Prélèvement à la source

Aussi, le divorce doit être déclaré à l’administration fiscale dans les soixante jours2 pour que celle-ci procède à la modification du taux du prélèvement à la source qui sera transmis directement à l’employeur. Ce taux prendra en compte les revenus personnels estimés, le quotient familial, la pension alimentaire et la prestation compensatoire le cas échéant. Il sera réactualisé lors de la prochaine déclaration de revenus.


Répartition de la charge fiscale des enfants

Les anciens époux étant soumis à une imposition distincte, celui qui aura la garde des enfants bénéficiera de l’intégralité des parts fiscales des enfants concernés pour le calcul de son quotient familial. En cas de garde partagée, les parts fiscales seront présumées partagées pour moitié à chacun des anciens époux.        

 Le coin du fiscaliste :

Le partage des parts fiscales attachées à l’enfant est une simple présomption. Une clause peut être insérée dans la convention au gré de vos intérêts fiscaux à définir. (Attention en contrepartie à la perte de la demi-part pour parent isolé).


Pensions alimentaires

En vertu de l’article 371-2 du Code civil, « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ». Au temps du divorce, cette contribution prend généralement la forme d’une pension alimentaire versée pour les enfants mineurs dont l’ex conjoint à la garde.

La pension versée pour l’entretien de l’enfant mineur est intégralement déductible du revenu de celui qui la verse (et ce pour le montant fixé par décision de justice ou par convention de divorce par consentement mutuel).        
Réciproquement, Cette pension sera imposable pour le parent qui la reçoit après un abattement de 10%.

Attention ! La circonstance que le parent qui verse la pension alimentaire ne la déduise pas de ses revenus est sans incidence sur le caractère imposable de celle-ci dans les revenus du bénéficiaire3.

La pension versée pour un enfant mineur en garde alternée ne peut en principe pas être déduite.

Le coin du fiscaliste :

En cas de garde alternée, il convient de réfléchir à la solution fiscale la plus optimisante : quotient familial ou déduction de la pension.


Prestation compensatoire

La rupture du mariage est également susceptible d’entrainer des déséquilibres financiers pour un des anciens époux et donc une baisse de son niveau de vie après le divorce. Pour compenser ces effets, il peut être décidé le versement d’une prestation compensatoire.     
Le débiteur d’une prestation compensatoire peut demander au Juge soit le versement sous forme de rente soit le versement sous forme de capital. Si le versement est  effectué sur une période n’excédant pas 12 mois, le débiteur a droit à une réduction d’impôt  de 25% des montants versés dans la limite de 30 500 euros, soit une réduction maximale de 7 625 euros5. Le ou les versements ne donnent pas lieu à imposition du bénéficiaire.           
Si les versements sont effectués sous la forme d’une rente mensuelle sur une période supérieure à douze mois, les versements du revenu de la personne qui les verse et imposables dans celui de la personne qui les reçoit.

Le coin du fiscaliste :

En fonction de la tranche d’imposition du débiteur de la prestation, il sera optimisant de verser sous forme de rente ou de substituer un capital à une rente.
Le montant de la prestation à verser devra être pris en compte dans le choix fiscal à opérer.

En cas de versement d’une prestation compensatoire mixte (combinant une partie capital, partie rente) la réduction d’impôt ne peut s’appliquer à la fraction de la prestation versée sous la forme de capital. Cette part en capital n’est pas pour autant déductible du revenu imposable.         
Une décision du Conseil Constitutionnel du 31 janvier 20206 a censuré l’article 199 octodecies du Code général des impôts dans son ancienne rédaction. Les sages ont décidé que le fait pour un débiteur d’une prestation compensatoire d’être privé du bénéfice de la réduction d’impôt sur les versements en capital intervenus sur une durée inférieure à douze mois au seul motif que ces versements sont complétés d’une rente était contraire à la Constitution.

Le coin de l’actualité fiscale :

Un amendement du Projet de Loi de finances pour 2021 vient d’être adopté pour tirer les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel.      
Si cela venait à être confirmé, l’époux débiteur pourrait bénéficier de la réduction d’impôt pour la partie capital ainsi que la déduction d’impôt pour la partie en rentes.  Pour l’époux bénéficiaire, la partie en capital ne sera pas imposable mais les rentes seront soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie pension alimentaire.


Vente de la résidence principale

La plus-value réalisée au titre de la vente de la résidence principale est exonérée pour autant que la résidence reste qualifiée de principale ! 7.         
Or, il arrive fréquemment qu’un des conjoints quitte le domicile conjugal avant la vente de celui-ci. Pas de difficulté pour le conjoint qui est resté dans les lieux, l’exonération résulte de l’application de la loi. Mais quid du conjoint qui a quitté le domicile conjugal ?     
L’administration fiscale admet toutefois que l’exonération s’applique également pour celui qui est parti si le logement a été occupé par son ancien conjoint jusqu'à sa mise en vente et que celle-ci, motivée par la séparation, intervienne dans un délai de douze mois8

Le coin du fiscaliste :

Si le conjoint qui reste dans les lieux verse à l’autre une indemnité d’occupation, celle-ci constitue pour celui qui la reçoit un revenu foncier imposable non déductible.


Droit de partage

Le divorce rime également avec le partage des biens communs du couple qui se sépare : biens Immobiliers, meubles, livrets d’épargne, valeurs mobilières... Les anciens époux doivent payer un droit de partage de 2.5% de la valeur nette des biens partagés9. En revanche, ils seront exonérés d’impôt sur la plus-value.

Le coin de l’actualité fiscale :

Ce droit de partage consécutif à un divorce sera abaissé à 1.8% en 2021.  

Le coin du fiscaliste :

Il est conseillé de partager l’actif avant de demander le divorce, la convention de divorce n’indiquera pas ou moins de biens à partager. Très récemment, le ministre de l’économie a confirmé que la somme retirée de la vente d’un appartement ou d’une maison si elle fait l’objet d’un partage verbal, n’est pas soumis à la taxation de 2,5%10. Attention cependant à ne pas mentionner ce partage verbal dans un acte postérieur à ce partage pour ne pas avoir à payer le droit d’enregistrement de 2,5%.


Solidarité fiscale

Lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune, les époux sont solidairement responsables du paiement de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation11 ainsi qu’en matière d’impôt sur la fortune immobilière12. Cette solidarité signifie que l’administration fiscale peut réclamer à l’un ou l’autre des époux le paiement intégral des impôts dus. A partir du moment où les anciens époux font l’objet d’une imposition séparée, cette solidarité fiscale cesse.

Le coin du fiscaliste :

La solidarité fiscale disparait pour l’avenir mais elle perdure dans le passé notamment s'il reste des sommes à payer au titre de l'imposition commune ou encore dans le cadre d’un redressement fiscal. Cependant, chaque ancien conjoint pourra adresser sous conditions à l'administration fiscale une demande en décharge de son obligation solidaire.


Taxe foncière et taxe d’habitation

Des questions peuvent apparaître concernant le paiement de certains impôts. Alors que la taxe d’habitation devra être payée le cas échéant par l’époux qui est resté dans le domicile conjugal au 1er janvier, la taxe foncière sera payée par chacun en fonction de sa quote-part de propriété.

Attention ! Il n’existe aucune solidarité fiscale entre les époux en matière de taxe foncière. L’administration fiscale devra poursuivre directement chacun des époux pour le paiement de leur quote-part respective.


IFI

Les époux qui étaient soumis à l’imposition commune sur la fortune immobilière (IFI) le restent l’année du divorce. En effet, c’est la situation du couple au 1er janvier qui est apprécié13. L’année suivante, ils ne seront soumis à l’IFI que sur leurs biens propres dont la valeur est supérieure à 1.3 millions d’euros.            
Le coin du fiscaliste :    

Ce droit à décharge de responsabilité solidaire est étendu à l’IFI. Pour ce faire, une réclamation doit être adressée à l’administration.        


Déficit foncier

Chaque ancien époux peut déduire de son revenu imposable les déficits fonciers provenant de la gestion de ses biens propres et la moitié des déficits relatifs aux biens communs, sauf justification d'une répartition différente.            
Pour les déficits constatés les années précédant le divorce et dont une fraction est reportable, ils sont imputables en totalité par celui des anciens époux dont l'immeuble à l'origine du déficit constitue un bien propre et par moitié entre les deux anciens époux pour les biens communs, sauf à justifier d'une quote-part différente.


Anticiper, optimiser

Comme nous avons pu le constater, un divorce entraine de nombreuses conséquences fiscales. Un contentieux est susceptible de naître entre les ex époux sur le paiement de certains impôts ou encore sur la répartition de la charge fiscale des enfants. Dans le cas d’un divorce contentieux, un jugement de divorce, attribuant la charge des enfants, peut être prononcé des années après la séparation effective du couple. Si pendant ces années, un des parents déclarait à tort les enfants à sa charge, l’administration pourrait lui adresser une proposition de rectification. Il est important d’anticiper toutes ces problématiques pour rendre la situation le plus clair possible pour chacun des ex époux.  Nous l’avons vu enfin, l’ingénierie fiscale du divorce peut permettre de limiter certaines conséquences fiscales qui pourraient être douloureuses : Une autre bonne raison de réussir son divorce.


1. Madame Ex, Hervé Bazin       

2. Art 204 I CGI

3. TA Besançon 29-12-2006 n°04-334

4. Art 80 septies CGI

5. Art 199 octodecies CGI          

6. Conseil constitutionnel QPC 2019-824 

7. Art 150 U CGI

8. BOI-RFPI-PVI-10-40-10

9. Art 746 CGI

10. Réponse ministérielle publiée au JO le 01/09/2020 page : 5757

11. Art 1691 bis CGI

12. Art 1723 ter 00-B CGI

13. Art 964 CGI

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