JEI : le mandataire social, un « assimilé salarié » pas comme les autres

Publié le 17/04/2018

Le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) permet aux PME de moins de huit ans qui investissent dans la recherche et le développement (R&D), de bénéficier d'exonérations fiscales et sociales temporaires (art. 44 sexies-O A du Code général des impôts).

Ainsi, sur le plan fiscal, les JEI peuvent bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les sociétés au titre de leur premier exercice bénéficiaire puis d’une exonération partielle (abattement de 50 %) au titre de l'exercice bénéficiaire suivant (chaque exercice ayant une durée de douze mois). Elles peuvent également bénéficier, sur délibération des collectivités territoriales, d’une exonération de taxes foncières et de contribution économique territoriale (CET) pendant les sept premières années de leur existence.

En matière de cotisations sociales, les JEI peuvent bénéficier d’une exonération de charges sociales patronales d'assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès) et d'allocations familiales.

Cette exonération s’applique[1] :

  • aux salariés qui consacrent au moins 50 % de leur temps de travail  à des projets de R&D ;
  • aux salariés qui consacrent moins de 50 % de leur temps de travail à des projets de R&D est inférieur à 50% mais dont l’activité de R&D, sans être majoritaire, constitue son activité principale ; des éléments justificatifs complémentaires pourront être demandés à l’employeur ;
  • aux mandataires sociaux relevant du régime général de sécurité sociale (gérants minoritaires ou égalitaires de SARL et de SELARL, présidents-directeurs et directeurs généraux de sociétés anonyme, présidents et dirigeants de sociétés par actions simplifiées) qui participent, à titre principal, aux projets de R&D de l’entreprise.

S’agissant de cette dernière catégorie, il est prévu par décret[2] que « le mandataire social est réputé participer à titre principal au projet de recherche et de développement de l'entreprise s'il exerce, en son sein, une activité de recherche ou une activité de gestion de ce projet ».

La Cour de Cassation, par un arrêt en date du 15 février 2018 (n°16-22.056, Sté Mbdsys c/Urssaf), casse une décision de la Cour d’appel de Paris, qui estimait fondée la notification de redressement de l’URSSAF portant sur la réintégration des cotisations patronales d’un mandataire social, au motif qu’il appartenait à l’entreprise de prouver la participation dudit mandataire, à titre principal, aux projets de R&D.

En effet, selon la Cour de Cassation, dès lors que le mandataire social exerce au sein de la société une activité de recherche ou une activité de gestion de ce projet, il est présumé participer à titre principal aux projets de R&D menés par celle-ci, peu important le temps consacré à cette activité (en l’espèce, environ 20 % de son temps).

Par conséquent, la Haute Juridiction s’en tient à une lecture stricte du texte du décret précité, et  fait peser la charge de la preuve sur l’URSSAF pour écarter un mandataire social du bénéfice de la présomption qu’il instaure. En effet, pour la Cour de Cassation, pour exclure un mandataire social du bénéfice du statut JEI, l’URSSAF  doit apporter des éléments de preuve caractérisant le fait que ledit mandataire ne participe pas, à titre principal, aux projets de R&D de l’entreprise. Cette preuve ne pourra résulter du seul fait que le temps consacré par ce mandataire à des projets de R&D n’a pas représenté plus de 50% de son temps de travail.

La charge de la preuve est ainsi inversée pour les mandataires sociaux, puisqu’elle incombe à l’URSSAF, alors que pour les salariés, en dessous du seuil de 50 % de temps de travail consacré à des travaux de R&D éligibles, les employeurs pourront être conduits à apporter la preuve de la correcte application de l’exonération et notamment de l’exercice par les salariés de l’activité R&D à titre principal.

Cette décision est quelque peu rassurante et doit être comprise dans le cadre dans lequel elle est prise, c’est-à-dire celui des JEI, entreprises dont les mandataires sociaux sont, dans la plupart des cas, fortement impliqués et investis dans les projets de R &D de leur entreprise, cette implication étant dans la quasi-totalité des cas l’une des clés de leur éventuel succès.

 

 

[1] Circ. Acoss 2015-48 du 20-10-2015

[2] Art. 1 du décret n°2014-581 du 21 juin 2004 instituant une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale en faveur de la JEI

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