Les nouvelles règles de TVA pour le commerce électronique dites « paquet e-TVA »

Publié le 14/10/2021

Comme annoncé dans notre article du 29 septembre, nous vous présentons ci-après un focus dédié au régime TVA des ventes à distances intracommunautaires définies par les dispositions l’article 256, II bis-1° du CGI comme « Une livraison de biens expédiés ou transportés par le fournisseur ou pour son compte, y compris lorsque le fournisseur intervient indirectement dans le transport ou l'expédition des biens, à partir d'un État membre autre que celui d'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur, [au profit d’une personne non assujettie ou bénéficiant d’un régime dérogatoire]. »

L’administration fiscale a commenté ce nouveau régime dans son BOFIP soumis à consultation du 13/08/2021 (BOI-TVA-CHAMP-20-20-20-30)

Les ventes à distance intracommunautaires (dénommée VAD-IC en abrégé) sont des livraisons de biens meubles spécifiques qui répondent aux trois conditions cumulatives suivantes :

-  la livraison est effectuée par le fournisseur ou pour son compte à destination de l'acquéreur. Cette condition a notamment pour effet d’exclure du régime des VAD-IC les ventes en « click and collect» ;

-  le bien est expédié ou transporté à destination de l'acquéreur à partir d'un État membre autre que celui d'arrivée de l'expédition. L’application de cette règle nécessite donc d’identifier le flux physique des biens vendus. Le lieu d’établissement du fournisseur est en revanche sans incidence sur la qualification de la VAD-IC ;

-  l'acquéreur est une personne physique non assujettie ou assimilée.

Les règles de territorialité applicables en matière de TVA aux ventes qui remplissent les trois conditions suscitées sont désormais régies par les dispositions de l’article 258 A, I-1° a) du CGI en vigueur depuis le 1er juillet 2021 qui disposent que  « Le lieu de livraison de biens expédiés ou transportés à partir de la France à destination d'un autre Etat membre dans le cadre de ventes à distance intracommunautaires est réputé ne pas se situer en France lorsque : a) La valeur totale prévue au 1 du II de l'article 259 D (i.e. 10 000€) des prestations de services mentionnées aux 10°, 11° et 12° de l'article 259 B (i.e. prestations de télécommunication, de radiodiffusion, de télévision et services fournis par voie électronique) et des ventes à distance intracommunautaires de biens effectuées par l'assujetti est dépassée pendant l'année civile en cours ou l'a été pendant l'année civile précédente. »

Illustrons ces dispositions par un exemple simple : soit une entreprise Française qui a réalisé en 2020 les ventes de marchandises suivantes auprès de particuliers personnes physiques non assujetties :

  • 5000€ de marchandises à des clients Belges ;
  • 3000 € à des clients espagnols ;
  • 5000 € à des clients Italiens.

Sous l’empire des anciennes règles, soit Jusqu’au 30 juin 2021, l’entreprise française devait soumettre les ventes précitées à la TVA française car la TVA du pays du client n’était applicable que si un seuil de CA apprécié individuellement par Etat membre était dépassé (ce seuil était spécifique à chaque état membre et était compris entre 35 000 € et 100 000 €). Ainsi dans l’exemple précité, le montant des ventes réalisées dans chacun des États membres étant inférieur au seuil « fatidique » spécifique à chacun des États membres suscités les ventes devaient donc être soumises à la TVA du pays de l’entreprise assujettie (la France).

Depuis le 1er juillet, les nouvelles dispositions ont substitué à ces seuils spécifiques à chaque état membre un seuil unique de 10 000 € HT qui doit être apprécié en tenant compte de l’ensemble des ventes réalisées par l’entreprise dans les autres États membres.

Ainsi, au cas particulier, l’ensemble des ventes réalisées en 2020 en Espagne, en Belgique et en Italie excède le seuil de 10 000 € HT, l’entreprise ne peut donc plus bénéficier depuis le 1er juillet 2021 du régime dit des « petits opérateurs » et doit, corrélativement, soumettre ses ventes à distance intracommunautaires à la TVA du pays du client.

Dans l’hypothèse où le seuil des 10 000 € n’aurait pas été dépassé en 2020, l’entreprise devrait alors suivre l’évolution de ses ventes (et de ses prestations de services) réalisées dans d’autres États membres depuis 1er janvier 2021. En effet, les ventes réalisées dans d’autres États membres devront, le cas échéant, être soumises à la TVA du pays du client à partir du mois au titre duquel le seuil des 10 000 € sera dépassé.

L’assujettissement des ventes à la TVA dans le pays du client implique en principe l’obligation pour l’entreprise de s’identifier à la TVA dans chacun des pays dans lequel elle réalise des ventes taxables afin de déposer les déclarations de TVA locales faisant apparaître la TVA collectée due au titre des ventes. Il va sans dire que l’identification à la TVA dans chacun des États membres où se situent les clients de l’entreprise est une procédure aussi complexe qu’onéreuse.

Dans l’exemple précité, l’entreprise devra s’identifier à la TVA dans les trois pays où sont situés ses clients. Cette obligation d’identification paraît disproportionnée au regard du chiffre d’affaires potentiellement concerné !!

L’entreprise peut éluder cette obligation d’identification à la TVA dans les autres États membres en s’inscrivant sur le guichet unique « One Stop Shop UE » sur lequel elle pourra déclarer la TVA due dans chaque état membre.

Cette inscription, réalisée en ligne, permettra à l’entreprise de déclarer chaque trimestre la TVA collectée grevant ses ventes à distance réalisées dans d’autres États membres. La TVA ainsi déclarée sera ensuite acquittée grâce à un service dédié de l’administration fiscale, en l’occurrence le pôle guichet TVA commerce en ligne de Noyon, qui se chargera de reverser la TVA à chacun des États membres où sont situés les clients de l’entreprise.

Les opérations déclarées en ligne sur le guichet « OSS-UE » devront également être déclarées sur les déclarations de TVA habituelles déposées par l’entreprise.

Il convient de préciser que l’inscription au guichet « OSS-UE » doit toutefois être exercée dans des délais strictement encadrés par la réglementation et qu’elle permet également de bénéficier de certaines dispenses appréciables notamment en matière de facturation (Article 289, I-1-b du CGI), et de déclarations d’échanges de biens (DEB).

L’opérateur doit enfin consigner toutes les opérations dans un registre dédié qu’il doit tenir à la disposition de l’administration fiscale pendant 10 ans.

Dans le même domaine