Précisions apportées par la loi de finances pour 2024 concernant le régime « Dutreil-transmission »
16 avril 2024Le dispositif Dutreil permettant d’exonérer partiellement les droits de mutation à titre gratuit dus dans le cadre de la transmission par décès ou donation, de parts ou actions de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement de conservation (CGI art. 787 B), a récemment fait l’objet de précisions par la loi de finances pour 2024 (Loi 2023-1322 du 29/12/2023), quant à son champ d’application.
Pour rappel, ce dispositif dit « Dutreil-transmission » est notamment subordonné à l’exercice par la société éligible d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Les modifications apportées par la loi de finances pour 2024, applicables aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023, concernent :
- la définition des activités de nature commerciale éligibles, lesquelles doivent s’entendre au sens des articles 34 et 35 du CGI ;
- l’exclusion des sociétés dont l’activité consiste à gérer leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ;
- la confirmation de l’éligibilité des sociétés exerçant une activité mixte, dont l’activité opérationnelle est principale ;
- l’éligibilité et la définition des sociétés holdings animatrices de leur groupe.
S’agissant plus particulièrement de l’application aux sociétés holdings animatrices du régime Dutreil, il convient de relever que la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°55) et la jurisprudence (notamment Cass. com. 14/10/2020 n° 18-17.955) avaient déjà admis que les sociétés holdings animatrices de leur groupe soient considérées comme exerçant une activité opérationnelle éligible.
Il y a lieu de rappeler que le caractère animateur de la société holding devra être effectif dès la signature de l’engagement unilatéral ou collectif et jusqu’à l’expiration de l’engagement individuel.
La loi de finances pour 2024 est venue confirmer cette éligibilité au dispositif Dutreil des sociétés holdings animatrices tout en apportant une définition légale.
Il ressort désormais de l’article 787 B du CGI, qu’est considérée comme exerçant une activité commerciale :
« la société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. »
Cette définition légale de la holding animatrice, propre au régime Dutreil, est très proche mais pas identique, d’une part, à celle applicable aux autres dispositifs (IFI et départ à la retraite notamment) et, d’autre part, à la définition admise, jusqu’à présent, par la doctrine administrative et la jurisprudence, pour le dispositif Dutreil.
En effet, elle diffère notamment de la définition applicable en matière d’IFI visée par l’article 966, II du CGI qui considère comme des activités commerciales les activités de :
« sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. »
Ainsi, selon la nouvelle définition légale, la société holding animatrice éligible au régime Dutreil devra présenter les caractéristiques suivantes :
- Exercice de l’activité d’animation à titre principal
Le caractère principal de l’activité d’animation s’apprécie sur l’ensemble du groupe constitué des filiales et sous-filiales (la jurisprudence actuelle retient la méthode du faisceau d’indices pour apprécier le caractère prépondérant de l’activité). On peut par ailleurs penser que le caractère principal de l’activité n’équivaut pas forcément à son caractère prépondérant (voir en ce sens, Cass. Com. 25 janvier 2023, n°20-16700).
- La participation active de la société holding à la conduite de la politique du groupe doit être justifiée de manière concrète et dans la durée.
- Le groupe est « constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement »
Il n’est plus fait référence à une participation active au contrôle mais à des sociétés contrôlées. Cette différence pourrait faire craindre que seul le contrôle juridique soit désormais admis et que les holdings seulement actionnaires principales des filiales, sans être majoritaires, ou en co-animation pourraient être exclues désormais du régime de faveur.
Par ailleurs, la référence à la notion de groupe et l’emploi de « sociétés contrôlées » au pluriel semblent exclure la société holding qui ne détiendrait qu’une seule filiale. En ce cas, il serait préférable de recourir au dispositif Dutreil applicable aux titres de sociétés interposées.
La notion de contrôle direct ou indirect n’a pas encore fait l’objet de précisions. Par ailleurs la présence de filiales non contrôlées et/ou non opérationnelles ne devrait pas présenter de difficultés dès lors que leur importance serait secondaire.
Il convient de relever la prise en compte également des sous-filiales dans le périmètre de l’animation et non plus seulement les filiales.
- Les filiales doivent exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
Sont donc exclues les filiales exerçant une activité de gestion de leur propre patrimoine (type SCI).
Il serait textuellement nécessaire qu’il existe au moins deux filiales contrôlées opérationnelles. Une société holding qui contrôlerait une seule société opérationnelle et une SCI ne serait ainsi pas considérée comme exerçant une activité commerciale au sens de l’article 787 B du CGI. Le recours au dispositif concernant les titres de sociétés interposées devrait également être privilégié dans cette situation.
- La société holding peut rendre des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers
Pour rappel, le rendu de services aux filiales n’est ni nécessaire ni suffisant à qualifier la holding d’animatrice.
Cela étant, la nouvelle définition légale semble textuellement indiquer que les services, s’ils existent, devraient être rendus aux seules filiales contrôlées opérationnelles (… auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne…).
Cette nouvelle définition, applicable depuis le 17 octobre 2023, de la société holding animatrice visée par l’article 787 B du CGI risque ainsi d’entraîner de nombreuses difficultés d’interprétation et nous attendons avec impatience les prochains commentaires de l’administration fiscale à ce sujet pour voir les éventuelles conséquences sur les transmissions à venir et celles réalisées et en cours.